90 jours sauf complications
L’après-midi du 20 avril 2010 à Marseille, alors que je me rendais à l’université, j’ai été percuté par une voiture. Je n’ai aucun souvenir de l’accident et des heures qui l’on suivies. C’est un cas classique d’amnésie traumatique.

































L’amnésie traumatique ne relève pas de l’oubli volontaire mais d’un effacement inconscient, déclenché par la violence d’un choc émotionnel ou physique. De cette façon, elle agit comme une protection, en détruisant les souvenirs violents qui pourraient mettre en danger l’équilibre de la psyché.
Pourtant, comme l’écrit le psychologue Bassel Van der Kolk, “le corps n’oublie rien.” C’est ainsi que depuis 15 ans, je ressens une fragmentation profonde. Les fragments sensoriels de l’accident enfouis dans mon corps, refont surface de manière imprévisible. Au détour d’un son, d’un lieu — ces “triggers” réveillent une mémoire que je ne contrôle pas. Je ressens des choses sur lesquelles je ne peux mettre ni mots, ni souvenirs.
Ainsi, en m’empêchant de me souvenir, l’amnésie traumatique m’empêche aussi de comprendre. Incapable de nommer les choses, il m’est impossible d’en guérir. Je vis avec ce paradoxe : ce que l’amnésie me cache, elle me l’arrache aussi. Je ne peux ni comprendre, ni dire ce qui s’est passé. Pour que je puisse survivre, elle m’a rendu étranger à moi-même.
Ce projet est un travail de reconstruction, à la fois symbolique et concrète. Une forme de thérapie, née du besoin de trouver des réponses. De reconstituer l’événement avec ce qu’il en reste. En utilisant différentes techniques — du collage à la couture, en passant par la poésie — et différentes sources, je tente de rassembler des fragments de souvenirs, des traces de l’événement ,pour retrouver la silhouette d’un passé qui me hante. Pour me réapproprier mon passé et enfin m’en libérer.